Pourquoi la donnée n’est pas de l’information et pourquoi l’IA ne remplacera ni l’une ni l’autre
L’automatisation fondée sur un océan de données, n’abolit en rien ni les recherches bibliographiques, ni l’investigation, ni la relation.
S’il y a bien un phénomène constant depuis l’avènement de l’imprimerie, de la presse et des médias de masse, c’est l’abondance de l’information.
Les célèbres futurologues Adelaide Farrell & Alvin Toffler observeront ainsi que l’accélération technologique et son double informationnel provoquaient une « désorientation destructrice », facteur d'angoisse et de confusion chez leurs contemporains.
Avec l’essor des réseaux sociaux, le phénomène s'est accéléré.
D’autant plus que des « ingénieurs du chaos » s’attellent à nous enchaîner grâce à une parfaite maîtrise de « l’économie de l’attention ».
Mais dans le même temps, n’avons-nous pas appris à naviguer au quotidien à travers cette submersion de données, de faits, de vidéos et de récits honnêtes ou trompeurs ?
N’avons-nous pas appris à trouver les aiguilles qui nous intéressent au milieu d’un incommensurable champ de bottes de foin, de même que nous savons retrouver un visage familier au milieu d’une station de métro plus grouillante qu’une boîte de nuit ?
Si l’on s’en tient à une définition plus précise, l’information désigne « ce qui modifie la perception d’une situation par le récepteur », pour citer Jean-Pierre Cornou & Nathan Hattab (1990)
Pour que celle-ci puisse agir, encore faut-il qu’elle soit « la combinatoire de données pertinentes, choisie parmi une masse de données plus grandes ayant un sens pour le récepteur au moment où il la traite ».
Chaque information est donc « spécifique à celui qui la reçoit et la traite en fonction de son histoire personnelle et de ses filtres d’analyse ».
L’information est d’abord relationnelle et contextuelle, contrairement aux données brutes.
Elle n’est jamais la même pour tous, ce que n’importe quel bon enseignant vous confirmera.
C’est pourquoi nous pouvons nous baigner avec indifférence au milieu du déluge, comme nos ancêtre pouvaient promener un regard de béotiens au milieu de la bibliothèque d’Alexandrie.
Un détour étymologique nous confortera dans cette idée.
Le substantif « information », attesté dans son acception française au XIIIe siècle, désignait l’enquête judiciaire, puis au XIVe siècle le renseignement que l’on obtenait de quelqu’un.
Or, quoi de plus circonstancié ou intentionnel qu’une enquête et un renseignement ?
Beaucoup craignent que les modèles de LLM les remplacent.
S’ils produisaient jusqu’ici du foin, ils ont effectivement tout à craindre.
Mais si au contraire, ils élaborent d’authentiques « aiguilles relationnelles », l’IA, adossée à une solide culture et un travail constant, ne peut que les aider.
En effet, l’automatisation fondée sur un océan de données, n’abolit en rien ni les recherches bibliographiques, ni l’investigation, ni la relation.
Elle exige en revanche de notre part davantage de finesse, de profondeur et d'acuité.
Mais nos organisations nous en laissent-elles encore le temps ?