La Silicon Valley, un « miracle » non-américain ?
Comment expliquer que toutes les plus grandes firmes technologiques mondiales se concentrent dans une baie de 80km2 ?
La chaîne Arte diffuse actuellement une série documentaire consacrée à la Silicon Valley, vue à travers les yeux de Luc Julia (Samsung, Apple), un des inventeurs de Siri.
On y découvre aussi d’autres compatriotes : Eric Buatois (BGV), Jean-Louis Gassée (Apple), Emmanuel de Maistre (Scenario.com), Curiousmarc, Corinne Lestes (Le Monde)…
Selon les documentaristes, la réussite de la Silicon Valley a reposé sur six facteurs.
1° Les liens avec la recherche
L’université de Stanford University, spécialisée dans les nouvelles technologies, a bâti des liens durables avec les entrepreneurs. Les mondes de la recherche et de l’entreprises s’entrecroisent depuis 80 ans dans la « vallée su silicium ».
Dès 1939, William Hewlett et David Packard créaient HP sous le patronage de leur professeur Frederick Terman, considéré comme le « père de la Silicon Valley ».
2° Les grands visionnaires
Cet univers n’aurait pas été un succès sans la présence de grands visionnaires, comme l’inventeur de la souris, Doug Engelbart, qui marqua durablement les esprits en 1968 avec sa conférence « Mother of All Demos ». Aurait-il lui-même accouché de telles fulgurances, sans les travaux du hongrois John von Neumann, père de l’architecture informatique moderne ?
3° L'émulation
Un autre facteur est la succession d’échecs et de réussites des startup dans un esprit d’émulation et de compétition intense. Luc Julia cite par exemple l’exemple de Xerox, qui inventa le « Xerox Alto » en 1973, soit le premier ordinateur personnel à interface graphique. 10 ans plus tard, en 1984, Apple sortait son premier « Mac », qui sera un énorme succès commercial. S’inspirant et dépassant tout à la fois le Xerox, l’ordinateur d’Apple bénéficia des mêmes équipes d’ingénieurs que son prédécesseur.
4° Le Venture Capital
Aucune de ces startup n’auraient émergé sans le Venture Capital américain et la compétition (féroce) autour de la levée de fonds. Plus de 300 fonds de VC (!) ont pignon sur rue près de San Francisco, à la recherche des projets les plus rentables. Eric Buatois témoigne ainsi que son fonds rencontre plus de 800 entrepreneurs chaque année, pour en retenir… moins d’une dizaine.
Malgré toutes ces réussites, le documentaire évoque 3 écueils :
- Le capitalisme de surveillance et l’affaiblissement de la vie privée
- L’explosion de la consommation énergétique de l’IA
- L’accroissement des inégalités sociales
5° L’attraction des talents internationaux
Luc Julia conclut en rappelant que 62% des habitants de la Silicon Valley sont des non-Américains. Rien ne se serait fait sans eux.
6° L’effet de concentration
« Les petits poissons se font manger par les requins, qui grossissent et deviennent des baleines », résume, un brin malicieux, le géographe Richard Walker. Chaque grande firme n’est parvenue à rester à la pointe qu’en rachetant ses concurrents encore émergents, comme le montre le graphique réalisé par les documentaristes.
Mais est-ce que cette « quasi-nation » technologique continuera à attirer les talents du monde entier ?
L’Europe serait-elle donc condamnée à n’en être qu’un hub périphérique ? Ou bien pourrait-elle héberger des technologies de ruptures prenant en compte les défis posés par le respect de la vie privée, l’environnement et les droits sociaux ?
Le documentaire :
https://www.arte.tv/fr/videos/112822-001-A/silicon-fucking-valley-1-6/